Parentalité & éducation

C’est extrêmement important de se retrouver, que l’on soit maman ou papa, sans les enfants pour prendre le temps de réfléchir sur l’éducation de nos enfants mais aussi, comme c’est le cas dans ce groupe, sur notre rôle et place de parent, sur les temps accordés au couple, aux amis.
Isabelle, une adhérente d’Espace19 Cambrai.

L’école des parents et éducateurs

En 2014 la CAF a soutenu et reconnu nos actions de soutien à la parentalité à travers une subvention dans le cadre du REAAP – Réseau Aide et d’Appui à la Parentalité – ainsi qu’un deuxième financement dans le cadre des Loisirs Partagés.

Ce soutien financier a permis de passer de 2 ateliers parents par mois à 4, de réaliser des spectacles et des expositions avec les familles et de mettre en place un groupe de parole de parents.

La référente famille s’est formée en 2014 à l’Ecole des Parents et des Educateurs. Les premiers groupes de parole de parents ont d’ores et déjà permis de renforcer nos actions de soutien à la parentalité.

au contact des familles vulnérables

Les actions de soutien à la parentalité « ont pour spécificité de placer la reconnaissance des compétences parentales comme fondement du bien-être et de l’éducation de l’enfant ; elles privilégient une prévention « prévenante » attentive aux singularités individuelles, sans schéma prédictif, évaluatif ou normatif. Elles utilisent comme levier la mobilisation des parents qui ne sont pas seulement des bénéficiaires de l’action proposée mais en sont les acteurs ». (Circulaire interministérielle du 7/2/2012 – Comité National du Soutien à la Parentalité).

Ces actions concernent potentiellement tout le monde, quelles que soient les situations sociales des familles, et ont donc une portée universelle. Elles constituent néanmoins un enjeu accru pour les familles vulnérables et fragilisées : familles monoparentales (plus de 28% des foyers parisiens et plus de 30% sur notre zone d’impact), familles ayant des difficultés de logement, mais aussi de santé, d’alimentation et de vie quotidienne, sans oublier les familles nombreuses, surreprésentées parmi nos adhérents.

A Espace 19, la question n’est pas nouvelle, rappelons que l’association a ouvert ses portes, en 1981, afin de répondre aux besoins des familles nombreuses et monoparentales … Il s’agit néanmoins de la requestionner en permanence au regard :

  • des évolutions de mode de vie et de la situation sociale des familles
  • des échanges réguliers que nous avons avec nos adhérents ; ainsi, au cours du renouvellement du projet social d’Espace19 Cambrai, la quasi-totalité des familles du quartier sondées disaient ne pratiquer aucune activité familiale parents-enfants régulière et que de nombreuses familles ne partageaient plus de repas ensemble, ce qui nous a bien sûr questionné
  • de la nécessité permanente de veiller à ne pas mener des projets à la place des parents, ni d’être dans des postures d’experts ou de juges, mais bien de facilitateurs et d’accompagnateurs

La relecture de notre projet à travers la grille du « pouvoir d’agir » s’applique parfaitement aux actions de soutien à la parentalité.

C’est le sens de notre travail autour du thème « Education & parentalité » et des actions menées auparavant avec les parents sur leurs relations avec l’Ecole : comment Espace19 peut-il mobiliser au mieux les compétences de parents, en tenant compte de leur environnement social et culturel ?

Les politiques publiques d’action sociale s’ouvrent progressivement à certains principes d’action des centres sociaux, reconnaissant leur efficacité, pour prévenir certaines difficultés familiales avant qu’elles ne s’aggravent : appui des initiatives des habitants, développement des approches et modes d’intervention collectifs, reconnaissance des compétences parentales, mise en place des dispositifs de médiation, y compris la médiation socioculturelle, notamment avec les écoles et les services sociaux, etc.

Sauf que ces actions méritent également des moyens : rappelons que, dans chacun de nos centres sociaux, comptant chacun plus de 200 familles adhérentes, nous avons seulement un mi-temps de référent « animation collective familles », qui doit donc faire face à beaucoup d’attentes … et encore ce poste là n’est il financé que partiellement …

A l’écoute des familles : une question de temps

Depuis 2014, nos équipes sont investies dans un fort développement d’activités parents-enfants, mais aussi d’espaces de paroles pour les parents. Ces actions ont permis à ceux-ci de partager leurs questions, de se sentir moins isolés ; ils nous permettent également de réfléchir à notre rôle pour mieux les accompagner.

Ainsi, dans nos différents centres, nous avons invité les parents à se retrouver autour de thèmes comme : « Trucs et astuces de parents pour s’organiser différemment. » – « Père, Mère et enfants… Qui fait quoi dans la famille ? » – « Savoir dire non à mon enfant … mission impossible ? » – « Des difficultés scolaires aux problèmes de comportement, comment accompagner mon enfant ?  » – « Les temps de partage en famille : des devoirs aux loisirs » – « Etre parents : un travail à temps plein », etc.

De nombreux échanges ont également porté sur la difficulté des parents, notamment des femmes, à avoir du temps pour soi. Voici quelques phrases prises au vol à partir de quelques uns de ces temps d’échanges:

C’est extrêmement important de se retrouver ensemble que l’on soit maman ou papa, sans les enfants, pour prendre le temps de réfléchir sur l’éducation de nos enfants mais aussi comme c’est le cas dans ce groupe sur notre rôle et place de parent, sur les temps accordés aux enfants, au couple, aux amis, … ces temps de relations nécessaire pour se sentir épanouis et qui ne sont pas toujours évidents à prendre pour nous parents. Depuis que l’on a les jumeaux mon mari et moi, je réalise que l’on ne sort plus seuls le soir par exemple et cela me manque.

J’élève seule mes enfants et je suis toute la journée en train de courir, le soir, à 21h30 je m’écroule. Je viens au groupe de parole pour partager mes expériences avec d’autres parents et découvrir comment font les autres parents.

Il ne s’agit pas de réduire notre réflexion au féminisme, mais dans l’époque actuelle avec le rythme de vie qui s’accélère et les réformes scolaires nous sommes tous confrontés en tant que mamans à des casse-tête avec nos emplois du temps.

L’exemple de la petite enfance : « Une place pour tous ! »

Notre secteur petite enfance a développé un projet innovant intitulé « Une place pour tous ! », qui a rencontré l’intérêt d’élus ainsi que celui de la Caisse d’Allocations Familiales.

Ce projet s’est appuyé sur un diagnostic de l’ensemble des familles accueillies, croisant sur les revenus, les situations familiales, les motivations de l’inscription de l’enfant en crèche, les besoins liés au parcours d’insertion professionnelle, la maîtrise de la langue et l’autonomie des familles dans leurs démarches. Il en ressortait notamment que près de 20% des familles cumulaient à la fois des très faibles revenus (allocataires RSA et/ou inférieurs au plancher de ressources de la CAF), situation de monoparentalité et une mauvaise maîtrise du français du parent.

Conséquence directe de ces situations, nous constatons des difficultés d’ordre multiple en termes de :

Logement : de nombreuses familles ont des logements précaires (hôtel, centre d’hébergement), ou alors de très petite taille et dans certains cas, insalubres ; nous rencontrons désormais plusieurs fois par an des situations de familles à la rue, malgré la présence de jeunes enfants.

Isolement, dans la vie collective et de quartier mais aussi dans la relation aux services sociaux : certaines familles, notamment les jeunes mères seules, ne sont plus en contact avec les services du Département, voire ont créé un sentiment de défiance ou de rejet. La PMI reste souvent le dernier lieu de contact, et d’ailleurs, un certain nombre d’orientations sont faites par ses services. L’inscription dans une structure de petite enfance est donc aussi l’occasion de renouer le lien entre ces parents et la collectivité publique.

Difficultés d’accès à l’information et dans les échanges avec les professionnels, sur la base à la fois de la grande précarité et de la mauvaise maîtrise de la langue.

Difficultés liées à la parentalité : nos équipes sont parfois témoins de relations parents/enfants questionnantes lors des accueils et départs des familles : difficulté à poser une autorité de manière sécurisante, avec parfois des châtiments corporels, une verbalisation quasi-inexistante ou avec jugement de valeur de l’enfant et parfois même avec des insultes envers celui-ci. S’y ajoutent des situations de conflits conjugaux ou de vie familiale complexe en lien avec les fragilités du quotidien.

Santé : si la PMI est un service bien repéré, le cumul des problématiques impacte parfois directement la santé physique ou psychique de l’enfant : conditions du logement, alimentation, tensions du quotidien, etc.

Enfin, pour ces familles, l’accès à l’emploi, qu’il soit pérenne ou non, à temps partiel ou plein, est évidemment vital, afin de sortir de leur situation.

Nous avons donc réfléchi à comment faire évoluer notre projet petite enfance, pour permettre à la fois l’insertion des parents et le bien-être de l’enfant, nous situant donc au cœur des problématiques du soutien à la parentalité.

Le projet articule notamment :

– la participation des parents à de nombreux temps d’échanges et d’activités de nos structures : ateliers d’éveil culturel et autour de la lecture et du conte, rencontres avec les professionnels ;

– une disponibilité et une grande écoute de la part des responsables de structure éducatrices ; cette posture est également transmise à toute l’équipe ; le cas échéant, le lien est fait aussi avec les autres professionnels intervenant au côté de la famille. Cela passe aussi par la connaissance et la prise en compte de l’environnement social de l’enfant et de la famille : nous connaissons la situation des familles et la prenons en compte dans notre action. Cela inclut également la dimension interculturelle : notre projet pédagogique prévoit d’accompagner en douceur à partir de leurs spécificités culturelles, les familles vers l’entrée en école maternelle, où cette prise en compte n’existera plus.

– le travail sur les compétences des familles, afin qu’elles aient la capacité à mobiliser leurs droits et les ressources du quartier et (re)créer du lien avec leur environnement : sur le plan des droits sociaux (renouer le contact avec les services sociaux lorsqu’ils sont rompus), sur le plan de la prévention santé (connaissance des lieux ressources du quartier, temps d’information, mais aussi ateliers avec des spécialistes qui viennent apprendre des gestes ou des bonnes pratiques), sur le plan des loisirs, de la culture et de la vie de quartier.

– la mise en place d’une offre de garde modulable et adaptée aux besoins des parents pour avoir du temps à soi ou pour accompagner l’entrée en emploi ou en formation : malgré des progrès, la plupart des modes de garde restent organisés selon un mode binaire (emploi / sans emploi), alors que de plus en plus souvent, l’accès au travail va passer par un chemin long et sinueux, fait de retours en arrière (temps partiel, intérim, CDD, horaires variables, petits boulots sur les temps de cantine, etc.).

– la préparation à l’entrée en école maternelle, qui est une période cruciale : elle a, à notre sens, son importance dans la relation de la famille à l’école tout au long de la scolarité. Plus cette rentrée sera vécue en douceur, plus les rapports avec l’école seront sereins par la suite. De par la relation de confiance instaurée avec la famille, nous pouvons aborder plus facilement certains sujets et entendre les craintes des parents et leurs questionnements. Nous prévoyons des visites et des temps d’échanges et de découverte rassurants et conviviaux.

Les atouts nécessaires pour la réussite d’un tel projet sont :

La réactivité, la souplesse et la rapidité des solutions : au moment de l’admission de l’enfant (c’est pourquoi de nombreux partenaires -puéricultrices, PMI, assistantes sociales-, orientent vers nous de nombreuses familles), mais aussi en cours d’accueil pour adapter nos modalités d’accueil, notre organisation, mais aussi notre temps d’écoute.

L’approche globale, permettant de mener de front et en cohérence les multiples dimensions du projet, à partir de la situation de toute la famille.

La mobilisation de compétences variées : au delà de l’équipe petite enfance, interviennent dans ce projet, les médiatrices socioculturelles, le pôle santé d’Espace 19 et sa conseillère conjugale et familiale, des collègues du centre social, Espace19 Insertion Sociale, mais aussi de nombreux partenaires du territoire.

Nous souhaitons donner à ce projet une dimension plus importante.