Accès aux droits pour tous

Ouvrir de tous les côtés et s’attaquer aux discriminations

Des mois ont passé depuis les événements tragiques de Paris. Les actions publiques résident pour beaucoup dans des actions sur la laïcité et l’éducation à la citoyenneté.

Oui, pourquoi pas, ces mots sont dans nos textes fondateurs … mais les injonctions à la laïcité et à la citoyenneté ne suffiront pas, tant qu’elles se heurtent à des expériences quotidiennes d’inégalité : inégalités dès l’école, inégalités face aux contrôles policiers, que nous rapportait une administratrice d’Espace19 en se comparant à son compagnon blanc, inégalités face à l’accès aux stages, inégalités criantes de richesses, etc.

intégration et autonomie : accès à la langue en danger

Pas question là non plus de faire des raccourcis trop faciles … mais quand quelques jours après ces meurtres, il se confirme que l’Etat envisagerait d’exclure de ses financements de l’apprentissage du français, deux tiers de notre public, parce qu’ils sont en France depuis plus de 5 ans -c’est-à-dire concrètement des femmes, qui ont du s’occuper d’abord de leurs jeunes enfants, et qui une fois ceux ci scolarisés, ne pourront plus accéder à cet outil indispensable d’intégration et d’émancipation-, l’effet de décalage est dur avaler …

politiques publiques et soutien aux associations en faveur du vivre ensemble

Idem quand la Région revoit son règlement en février, excluant de facto la plupart des associations parisiennes (dont Espace19) de son principal financement direct en faveur des quartiers prioritaires, et ce, sans même prendre la peine de prévenir les associations qu’elle soutient depuis de nombreuses années.

Quelques semaines plus tard, après avoir entendu le « vivre ensemble  » dans toutes les bouches, on revient au réel : on organise la fête de quartier, et les obstacles administratifs se dressent dans tous les sens pour avoir l’autorisation d’animer dans l’espace public un petit bal et un vide grenier familial. Et nous passerons des heures à les lever!

accès aux services publics

Surtout, ce qu’on voudrait faire entendre c’est la rupture silencieuse mais très violente entre un nombre croissant d’habitants et les services publics.

Exemple, le point d’accueil retraite du 19ème : petit palier, portes closes, un interphone .. après plusieurs coups de sonnette, la personne âgée croisée ce matin là, se voit répondre que l’accueil est ouvert le matin sur RDV. Elle nous confie, à bout, que cela fait plusieurs semaines qu’elle essaie de joindre le service au téléphone …

Situations répétées, montée de l’e-administration comme seul point de contact, exaspérations, et aussi, de l’autre côté, stress des agents publics face à des contraintes supplémentaires, la difficulté des situations, la colère et la défiance des usagers … une déshumanisation en route qui a peut-être aussi à voir avec tout ça, et nous au milieu …

avenir des jeunes de nos quartiers

Le fatalisme est tellement présent (l’enfant de 6 ans qui a intégré déjà que ses mauvais résultats lui laissent déjà peu de chances, le refus de beaucoup de rêver bien haut, la rareté de modèles positifs), l’accident de parcours si probable (l’ado qu’on rattrape de justesse du décrochage ou du business, le mauvais choix d’orientation -mal informé, mal conseillé-, l’accès à l’emploi ou à la formation qui s’interrompt pour un détail, etc.).

Cela semble peu audible aujourd’hui pour qui ne le vit pas, mais rappelons à quel point la pauvreté durable, l’expérience de vivre avec quelques centaines d’euros, d’avoir un logement pourri ou pas de logement à soi, rendent probables les tensions et les sorties de route, et miraculeux l’happy end.

précarité et difficultés croissantes de logement

Les situations de rupture se répètent, les ingrédients bien connus, vivre à 5 dans 2 pièces, parfois avec les cafards et les rats, les carences de sommeil chez l’enfant, l’incident administratif qui interrompt la couverture santé, d’où rupture de soins qui va avoir des conséquences irrémédiables, les tensions familiales …

Davantage de familles d’adhérents avec jeunes enfants se retrouvent, depuis deux ans, à la rue ; s’en suivent plusieurs mois où il faut se débrouiller, avant que le 115 ne propose des hôtels, qui se succèdent, aux 4 coins de l’Ile de France, et avec eux les transports longs pour l’enfant qui reste scolarisé au même endroit, la place en crèche qui peut être perdue, et avec elle l’emploi de la mère …

A chaque fois, nous sommes présents, mais chaque situation nous demande beaucoup de temps, pour faire le lien, démêler les situations, répondre à l’urgence en lieu et place de … avec parfois des vraies réussites dont nous sommes fiers, mais aussi tant de situations qui n’ont pas de solutions … et des enfants au milieu de tout ça.